Licenciement pour motif économique : de la faute de l'employeur à l'origine de la menace pesant sur la compétitivité
La Cour de cassation admet, pour la première fois, que la faute de l'employeur à l'origine de la menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise rendant nécessaire sa réorganisation est susceptible de priver de cause réelle et sérieuse les licenciements consécutifs à cette réorganisation. Elle rappelle toutefois que l'erreur éventuellement commise dans l'appréciation du risque inhérent à tout choix de gestion ne caractérise pas à elle seule une telle faute.
En l'espèce, des salariés avaient été licenciés pour motif économique après avoir refusé la modification de leur contrat de travail suite à une réorganisation de l'entreprise ayant donné lieu à un PSE adopté par accord majoritaire et validé par l'administration mais annulé par la suite par la cour d'appel administrative, ayant constaté l'absence du caractère majoritaire requis. Les salariés ont alors saisi la juridiction prud'homale pour voir juger sans cause réelle et sérieuse leur licenciement pour motif économique et demander diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ils obtiennent gain de cause devant la cour d'appel de Caen qui, dans plusieurs arrêts, ordonne également le remboursement par l'employeur aux Assedic des indemnités de chômage payées aux salariés dans la limite de trois mois d'indemnités.
Pour juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel de Caen a retenu, dans ses arrêts, que l'employeur a commis une faute à l'origine de la nécessité de la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise par sa réorganisation. Elle retient en effet que « le péril encouru en 2014 par la compétitivité de l'entreprise au moment de la mise en œuvre de la procédure de licenciement n'est pas dissociable de la faute de la société, caractérisée par des décisions de mise à disposition de liquidités empêchant ou limitant les investissements nécessaires, ces décisions pouvant être qualifiées de préjudiciables comme prises dans le seul intérêt de l'actionnaire, et ne se confondant pas avec une simple erreur de gestion » (
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Elle considère que la cour d'appel, par des motifs insuffisants, n'a pas caractérisé la faute de l'employeur à l'origine de la menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise. Les arrêts attaqués sont par conséquent censurés, la cour d'appel ayant seulement caractérisé la faute de l'employeur par « des décisions de mise à disposition de liquidités empêchant ou limitant les investissements nécessaires », en l'occurrence les remontées de dividendes de la société Pages jaunes vers la holding qui permettaient d'assurer le remboursement d'un emprunt du groupe résultant d'une opération d'achat avec effet levier (LBO).
L'affaire est renvoyée devant la cour d'appel de Paris.
Dans sa note explicative attachée à l'arrêt, la Cour de cassation rappelle sa jurisprudence en la matière notamment celle qui reconnaît que lorsque les difficultés économiques ou la cessation d'activité invoquées à l'appui du licenciement d'un salarié résultent d'agissements fautifs de l'employeur, allant au-delà des seules erreurs de gestion, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse (