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Le Conseil d'État sensible à la vulnérabilité numérique des étrangers

Jurisprudence

La vulnérabilité d'une personne n'est pas seulement provoquée par une cause interne, liée à son état physique ou psychique. Il peut également s'agir d'une cause externe, résultant de sa situation économique et sociale. Depuis plusieurs années, certaines voix alertent quant à l'existence d'une nouvelle forme de vulnérabilité : la vulnérabilité numérique (Déf. droits, Dématérialisation et inégalités d'accès aux services publics, 14 janv. 2019 ; JCP A 2019, act. 74 ; Déf. droits, Dématérialisation des services publics : trois ans après, où en est-on ?, févr. 202; V. La dématérialisation des procédures administratives comme facteur d'inégalités d'accès aux services publics : bilan d'étape du Défenseur des droits). Preuve de l'existence d'une fracture numérique, elle touche essentiellement les personnes qui ne sont pas toujours à même de recourir aux services dématérialisés, telles que les majeurs protégés, les détenus, les personnes en situation de précarité sociale, les personnes âgées ou encore les étrangers.

Concernant cette dernière catégorie d'usagers vulnérables, nombre d'entre eux sont défavorisés par la dématérialisation administrative, en l'absence d'accès aux outils numériques ou du fait d'illectronisme. Telle est la raison pour laquelle plusieurs associations ont intenté un recours en excès de pouvoir contre le décret n° 2021-313 du 24 mars 2021 ainsi que les arrêtés des 27 avril et 19 mai 2021, qui imposaient aux étrangers souhaitant obtenir un titre de séjour en France de faire leur demande via un téléservice.

Nuancée, la réponse du juge administratif suit un raisonnement en plusieurs étapes. Il se prononce d'abord sur la légalité de l'obligation d'accomplir des démarches administratives par la voie d'un téléservice, avant d'examiner plus concrètement l'obligation faite aux ressortissants étrangers de présenter certaines demandes de titre de séjour via un téléservice.

En premier lieu, le Conseil d'État balaye le moyen selon lequel l'obligation d'avoir recours à un téléservice pour accomplir une démarche administrative auprès d'un service de l'État remettrait en cause les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, imposant alors au législateur d'agir en lieu et place du pouvoir réglementaire. Plus encore, il admet que le pouvoir réglementaire puisse rendre obligatoire l'accomplissement des démarches administratives par la voie d'un téléservice ; cette faculté laissée au Gouvernement ne porte pas atteinte aux principes d'égalité devant la loi, d'égalité devant le service public et de continuité du service public. Cette affirmation laisse songeur lorsque l'on sait que le juge administratif a déjà considéré que le recours au téléservice par l'administration devait demeurer purement facultatif (CE, 27 nov. 2019, n° 422516 : V. Rappel du caractère facultatif du téléservice), sans qu'il soit possible de conclure, en l'espèce, à un renversement catégorique de cette règle.

Cet accord de principe quant à la légalité du caractère obligatoire du recours au téléservice est assorti d'une précision non négligeable, afin que l'exercice effectif des droits de tous soit garanti. Le juge administratif énonce que « le pouvoir réglementaire ne saurait édicter une telle obligation qu'à la condition de permettre l'accès normal des usagers au service public et de garantir aux personnes concernées l'exercice effectif de leurs droits. Il doit tenir compte de l'objet du service, du degré de complexité des démarches administratives en cause et de leurs conséquences pour les intéressés, des caractéristiques de l'outil numérique mis en œuvre ainsi que de celles du public concerné, notamment, le cas échéant, de ses difficultés dans l'accès aux services en ligne ou dans leur maniement ».

En second lieu, une fois fixé le cadre général relatif à l'obligation d'accomplir des démarches administratives en ligne, le Conseil d'État se prononce plus spécifiquement sur la légalité des demandes de titre de séjour des étrangers. Deux conditions cumulatives conditionnent la légalité de l'obligation d'utiliser un téléservice pour les demandes de titre de séjour. D'abord, l'État doit accompagner les usagers qui n'auraient pas accès aux outils numériques ou qui rencontrent des difficultés lors de l'utilisation de cet outil. Si cet accompagnement ne suffit pas et que l'usager demeure dans l'impossibilité de recourir au téléservice, une solution de substitution doit être instaurée, afin que les étrangers ne perdent pas le droit de se maintenir sur le territoire en l'absence de l'enregistrement de leur demande.

Concernant le dispositif prévu par le décret n° 2021-313 du 24 mars 2021 et les arrêtés susvisés, le juge administratif relève que malgré l'existence d'un accompagnement des usagers de ce téléservice, le Gouvernement n'a pas prévu de solution de substitution. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'État établit l'illégalité du décret litigieux, tout en invitant le Gouvernement à compléter ses textes pour prévoir l'existence d'une telle solution de substitution. Un régime transitoire est aménagé jusqu'à l'adoption de la nouvelle version du décret : si l'usager établit qu'il n'est pas parvenu à déposer sa demande par le biais du téléservice, l'administration devra permettre le dépôt d'une demande de séjour selon une modalité distincte.