accordion-iconalert-iconarrow-leftarrowarticleShowedbacktotopCreated with Sketch. bookmarkcall-iconcheckchecked-iconclockclose-grcloseconnexion-iconfb-col fb-footer-iconfb-iconfb feedMark__icon--radiofeedMark__icon--starPage 1Created with Avocode.filterAccordion-arrowgoo-col headerBtn__icon--connecthomeinfo-blueinfo insta-1 instalank2IconCreated with Avocode.lglasslink-2linklink_biglinkedin-footer-iconlinkedin-iconlinkedin Svg Vector Icons : http://www.onlinewebfonts.com/icon lock-bluelockmail-bluemail-iconmailnot_validoffpagenavi-next-iconpdf-download-iconplus print-iconreadLaterFlagrelatedshare-icontagsLink-icontop-pagetw-col tw-footer-icontw-icontwitter unk-col user-blueuseruserName__icon--usernamevalidyoutube-footer-iconyoutube Svg Vector Icons : http://www.onlinewebfonts.com/icon
Offert

L’attachement à l’égalité femme-hommes peut constituer « un groupe social » permettant aux femmes persécutées de bénéficier du statut de réfugié

Jurisprudence

Constituée en formation de Grande chambre, la Cour de Justice de l'Union européenne donne une nouvelle application au concept de « groupe social », permettant d'accorder la protection internationale. Des femmes mineures, qui partagent comme caractéristique commune leur identification effective à la valeur fondamentale de l’égalité entre les femmes et les hommes, intervenue au cours de leur séjour prolongé dans un État membre, et qui diffère largement de la situation qu'elles pourraient vivre dans leur pays d'origine, peuvent être considérées comme appartenant à « un certain groupe social », en tant que « motif de persécution » susceptible de conduire à la reconnaissance du statut de réfugié.

Deux adolescentes irakiennes séjournant sans interruption depuis 2015 aux Pays-Bas, indiquent, dans le cadre d'une demande de protection internationale, que, en raison de leur séjour de longue durée aux Pays-Bas, elles ont adopté les normes, valeurs et comportements des jeunes de leur âge dans cette société. Selon, elles, en cas de retour en Irak, elles seraient incapables de se conformer aux règles d’une société qui n’accorde pas aux femmes et aux filles les mêmes droits que ceux dont disposent les hommes et craignent d’être exposées à un risque de persécution.

Le juge néerlandais a décidé d’interroger la Cour de justice sur l’interprétation de la directive 2011/95 du 13 décembre 2011 sur la protection internationale, qui établit les conditions d’octroi du statut de réfugié dont peuvent bénéficier les ressortissants de pays tiers ( PE et Cons. UE, dir. 2011/95/UE, 13 déc. 2011 ).

Via un premier groupe de questions, la CJUE est invitée à se prononcer sur l'interprétation à donner à ce texte, concernant l'appartenance à « un certain groupe social », en tant que « motif de persécution » susceptible de conduire à la reconnaissance du statut de réfugié, de femmes ressortissantes d'un Etat tiers, y compris mineures, qui partagent comme caractéristique commune l’identification effective à la valeur fondamentale de l’égalité entre les femmes et les hommes (Dir. préc., art. 10, § 1, d. et § 2).

Dans sa décision, la Cour indique en premier lieu que l’interprétation des dispositions de la directive 2011/95 doit, dès lors, être effectuée non seulement à la lumière de cette directive, mais également dans le respect de la convention de Genève et des autres traités pertinents visés à l’article 78, paragraphe 1, TFUE. Parmi ces traités figurent, notamment, la convention d’Istanbul et la CEDEF ( CJUE gde ch., 16 janv. 2024, aff. C‑621/21, WS ). Notamment, ces deux conventions confirment que l’égalité entre les femmes et les hommes implique notamment le droit, pour toute femme, d’être préservée de toute violence liée au genre, le droit de ne pas être contrainte de se marier, ainsi que le droit d’adhérer ou non à une croyance, d’avoir ses propres opinions politiques et de les manifester et d’effectuer librement ses propres choix de vie, notamment, en matière d’éducation, de carrière professionnelle ou d’activités dans la sphère publique ( Conv. Istanbul, art. 1er, 3 et 4, § 2 ; et CEDEF, art. 3, 5, 7, 10 et 16 ).

Concernant, ensuite, l'interprétation de la directive du 13 décembre 2011, la Cour rappelle, qu'elle énumère les éléments dont les États membres doivent tenir compte, pour chacun des cinq motifs de persécution susceptibles de conduire à la reconnaissance du statut de réfugié, notamment « l’appartenance à un certain groupe social » prévu à l'article 10. Deux conditions sont requises pour établir ce motif de persécution :

  • D’une part, les personnes susceptibles d’y appartenir doivent partager au moins l’un des trois traits d’identification, qui sont :

- une « caractéristique innée »,

- une « histoire commune qui ne peut être modifiée », ou alors

- une « caractéristique ou une croyance à ce point essentielle pour l’identité ou la conscience qu’il ne devrait pas être exigé d’une personne qu’elle y renonce ».

  • D’autre part, ce groupe doit avoir son « identité propre » dans le pays d’origine « parce qu’il est perçu comme étant différent par la société environnante » (CJUE gde ch., 16 janv. 2024, aff. C‑621/21, WS, pt. 40).

S'agissant de la première condition, la Cour s'appuyant sur les conclusions de l'avocat général affirme que l’identification effective d’une femme à la valeur fondamentale de l’égalité entre les femmes et les hommes, en ce qu’elle suppose la volonté de bénéficier de cette égalité dans sa vie quotidienne, implique de pouvoir effectuer librement ses propres choix de vie, notamment, en qui concerne son éducation et sa carrière professionnelle, l’étendue et la nature de ses activités dans la sphère publique, la possibilité de parvenir à l’indépendance économique en travaillant à l’extérieur du foyer, sa décision de vivre seule ou en famille, et le choix de son partenaire, choix qui sont essentiels dans la détermination de son identité. Dans ces conditions, l’identification effective d’une ressortissante d’un pays tiers à la valeur fondamentale de l’égalité entre les femmes et les hommes peut être considérée comme « une caractéristique ou une croyance à ce point essentielle pour l’identité ou la conscience qu’il ne devrait pas être exigé d’une personne qu’elle y renonce ».

En outre, la circonstance que de jeunes femmes ressortissantes de pays tiers ont séjourné dans un État membre d’accueil, pendant une phase de leur vie au cours de laquelle l’identité d’une personne se forge, et que, au cours de ce séjour, elles se sont identifiées effectivement à la valeur fondamentale de l’égalité entre les femmes et les hommes est susceptible de constituer « une histoire commune qui ne peut être modifiée »

S'agissant de la seconde condition, relative à l’« identité propre » du groupe dans le pays d’origine, la Cour constate que les femmes peuvent être perçues d’une manière différente par la société environnante et se voir reconnaître une identité propre dans cette société, en raison notamment de normes sociales, morales ou juridiques ayant cours dans leur pays d’origine (CJUE gde ch., 16 janv. 2024, aff. C‑621/21, WS , pt. 52).

Eu égard aux doutes de la juridiction de renvoi, il importe encore de préciser qu’il n’est nullement requis que l’identification effective de ces femmes à la valeur fondamentale de l’égalité entre les femmes et les hommes revête un caractère politique ou religieux pour reconnaître, dans leur chef, l’existence d’un motif de persécution, au sens de cette disposition. Il n’en demeure pas moins qu’une telle identification peut, le cas échéant, être également appréhendée en tant que motif de persécution fondé sur la religion ou sur les opinions politiques.

Elle conclut qu'en fonction des conditions qui prévalent dans le pays d’origine, peuvent être considérées comme appartenant à « un certain groupe social », en tant que « motif de persécution » susceptible de conduire à la reconnaissance du statut de réfugié, les femmes ressortissantes de ce pays, y compris mineures, qui partagent comme caractéristique commune leur identification effective à la valeur fondamentale de l’égalité entre les femmes et les hommes, intervenue au cours de leur séjour dans un État membre.

Enfin, la CJUE ajoute qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, en particulier, si les requérantes au principal s’identifient effectivement à la valeur fondamentale de l’égalité entre les femmes et les hommes, en cherchant à en bénéficier dans leur vie quotidienne, de sorte que cette valeur constitue une partie intégrante de leur identité, et si, de ce fait, elles seraient perçues comme étant différentes par la société environnante dans leur pays d’origine. La circonstance qu’elles pourraient éviter le risque réel d’être persécutées dans leur pays d’origine en raison de cette identification, en faisant preuve de réserve dans l’expression de celle-ci n’est pas à prendre en compte dans ce contexte.

Répondant également à un deuxième groupe de questions, la Cour de Justice précise que, si un demandeur de protection internationale est mineur, les autorités nationales doivent nécessairement tenir compte de son intérêt supérieur dans le cadre d’un examen individuel portant sur le bien-fondé de la demande de protection internationale présentée par ce mineur. En outre, pour évaluer une demande de protection internationale fondée sur un motif de persécution tel que « l’appartenance à un certain groupe social », un séjour de longue durée dans un État membre peut être pris en compte, surtout lorsqu’il coïncide avec une période au cours de laquelle un demandeur mineur a forgé son identité.