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Offert

L’appelant ne peut être condamné à des dommages-intérêts à raison d'un passage ou extrait de ses écritures remises à la cour d'appel

Jurisprudence

Tels qu'éclairés par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, les articles 6 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'opposent, au regard des impératifs de libre exercice des droits de la défense et de droit à un procès équitable, à ce qu'une partie appelante d'un jugement soit condamnée, sur le fondement des articles 559 du Code de procédure civile et 1240 du Code civil, à des dommages-intérêts à raison d'un passage ou d'un extrait des écritures remises à la cour d'appel. En effet, seules les dispositions spéciales prévues à l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 peuvent fonder une condamnation à indemnisation à raison d'écrits produits devant les tribunaux et de leur caractère prétendument diffamatoire, à condition que les passages litigieux soient étrangers à l'instance judiciaire.

Ainsi en a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 8 juin 2023

En l’espèce, une banque a fait pratiquer, en vertu d’un acte de prêt notarié, une saisie-attribution sur le compte bancaire d’un couple marié qui a contesté cette saisie devant un juge de l’exécution.

Celui-ci a débouté les débiteurs de leurs demandes, a validé la saisie litigieuse, et les a condamnés à payer à la banque une certaine somme à titre de dommages-intérêts.

La cour d’appel a confirmé ce jugement, et un pourvoi en cassation a été formé.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel au visa des articles 6, § 1, et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1240 du Code civil, et 559 du Code de procédure civile.

• En premier lieu, elle revient sur l’exigence d’impartialité du juge, issue de l’article 6, § 1, précité. Elle fait état de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qui distingue entre une démarche subjective, essayant de déterminer ce que tel juge pensait dans son for intérieur ou quel était son intérêt dans une affaire particulière, et une démarche objective, amenant à rechercher s’il offrait des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (CEDH, 1er oct. 1982, n° 8692/79, Piersack c/ Belgique, § 30 ; CEDH, 16 déc. 2003, n° 57067/00, § 69). La frontière entre ces 2 notions n’étant pas hermétique car la conduite d’un juge peut, du point de vue d’un observateur extérieur, entraîner des doutes objectivement justifiés quant à son impartialité et toucher à la question de sa conviction personnelle (CEDH, 15 déc. 2005, n° 73797/01, Kyprianou c/ Chypre, n° 119).

Dans l'affaire jugée, la cour d’appel a retenu que les débiteurs se sont soigneusement abstenus d'engager une procédure d'inscription de faux à l'encontre du procès-verbal de dénonciation qui leur a été délivré. Selon elle, par ailleurs, une procédure engagée par leur adversaire n'aurait fait que tourner à leur confusion et aurait pu entraîner de nouveaux frais à leur charge de sorte qu'ils devraient se féliciter de ne pas avoir fait l'objet d'une assignation en la matière.

La Cour de cassation juge qu’en statuant ainsi, « en analysant, dans les motifs de l'arrêt, les thèses des parties selon des modalités différentes, celle de la banque étant présentée avec neutralité, celle des débiteurs étant ponctuée d'expressions révélant une appréciation subjective de leur cause et traduisant des jugements de valeur, une telle présentation étant de nature à faire peser un doute légitime sur l'impartialité de la juridiction, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».

• En second lieu, il s’agissait pour la Haute juridiction de déterminer si une partie appelante peut être condamnée à des dommages-intérêts sur les fondements de l’article 559 du Code de procédure civile et 1240 du Code civil à raison du contenu de ses écritures produites devant la cour d’appel.

Après avoir rappelé la teneur des articles 6, § 1, 10, § 1 et § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l’article 559 du CPC dont il résulte qu’en cas d’appel principal dilatoire ou abusif, l’appelant peut être condamné à des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés, la Cour cite la jurisprudence de la CEDH selon laquelle, de manière générale, la condamnation à des dommages-intérêts constitue une ingérence dans l’exercice par l’intéressé de sa liberté d’expression et qu’une telle immixtion enfreint l’article 10, sauf si elle est « prévue par la loi », dirigée vers un ou des buts légitimes au regard du paragraphe 2 et est « nécessaire » dans une société démocratique pour les atteindre (CEDH, 22 mars 2006, n° 54968/00, Paturel c/ France, § 25). La CEDH a jugé, par ailleurs, que l’égalité des armes et d’autres considération d’équité militent en faveur d'un échange de vues libre, voire énergique, entre les parties, et de critiques très larges de la part de l'avocat de la défense en vue de garantir le libre exercice de sa profession et le droit de son client à un procès équitable (CEDH, 21 mars 2002, n° 31611/96, Nikula c/ Finlande, § 49).

Pour les juges du droit, « il en résulte qu'éclairés par la jurisprudence de la Cour européenne, les articles 6 et 10 de la CEDH s'opposent, au regard des impératifs de libre exercice des droits de la défense et de droit à un procès équitable, à ce qu'une partie appelante d'un jugement soit condamnée, sur le fondement des articles 559 du Code de procédure civile et 1240 du Code civil, à des dommages-intérêts à raison d'un passage ou d'un extrait de ses écritures remises à la cour d'appel ».

En effet, seules les dispositions spéciales prévues à l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 peuvent fonder une condamnation à indemnisation à raison d'écrits produits devant les tribunaux et de leur caractère prétendument diffamatoire, à condition que les passages litigieux soient étrangers à l'instance judiciaire.

Une telle interprétation, si elle n'a pas été affirmée antérieurement par la deuxième chambre civile, est conforme aux articles 6 et 10 de la Convention EDH.

En l'espèce, pour condamner les débiteurs à payer à la banque une certaine sommes à titre de dommages-intérêts, la cour d’appel, qui n’était pas saisie d’une demande de l’intimée sur le fondement de l’article 41 précité, avait retenu essentiellement que la mauvaise foi des appelants était patente ; ils n’ont pas craint dans leurs écritures de reprocher des malversations à la banque qu’ils accusaient pratiquement d’escroquerie ; un tel comportement constitue à l’évidence un abus fautif, de nature à causer un préjudice à la partie intimée, l’abus déjà constaté par le juge de l’exécution ayant été aggravé par la procédure d’appel et le contenu de l’argumentation malveillante des débiteurs.

En statuant ainsi, alors que les appelants ne pouvaient être condamnés à des dommages-intérêts sur le fondement des articles 1240 et 559 précités, à raison d’un passage ou d’un extrait de leurs conclusions devant la cour d’appel, fussent-ils de nature à heurter et choquer, la cour d’appel a violé les textes et principes susvisés.