La Cour de cassation se prononce sur le bien-fondé de la suspension du paiement de leur loyer par des commerçants, pendant l'état d'urgence sanitaire
La mesure générale et temporaire d'interdiction de recevoir du public n'entraîne pas la perte de la chose louée et n'est pas constitutive d'une inexécution, par le bailleur, de son obligation de délivrance. Un locataire n'est pas fondé à s'en prévaloir au titre de la force majeure pour échapper au paiement de ses loyers.
Ainsi a statué la
Réagissant à la décision des autorités publiques d'interdire, lors du premier confinement, l'accueil du public dans les locaux commerciaux considérés comme non-essentiels, de nombreux commerçants ont décidé en effet de suspendre le paiement de leur loyer. Et, comme c'était prévisible, leurs bailleurs ont saisi la justice pour obtenir paiement des loyers.
Questions… - Sur la trentaine de pourvois dont elle a été saisie, la troisième chambre civile « a fait le choix d'examiner trois d'entre eux en priorité, car ils lui offraient l'opportunité de répondre à des questions de principe posées par cette situation », explique la Cour dans le communiqué accompagnant ses décisions.
Ces questions, quelles sont-elles ? D'abord, les mesures prises par les autorités publiques écartent-elles le droit commun de la relation contractuelle ?
Ensuite, l'interdiction de recevoir du public constitue-t-elle :
- un cas de force majeure invocable par le locataire ?
- un manquement du bailleur à son obligation de délivrance justifiant que le locataire se prévale du mécanisme de l'exception d'inexécution ?
- une perte de la chose louée, au sens de l', permettant au locataire de solliciter une réduction du montant des loyers dus ?
… - Réponses. - Des décisions rendues il ressort, en premier lieu, que l'interdiction de recevoir du public en période de crise sanitaire ne pouvait être assimilée à une perte de la chose louée au sens de l', car cette interdiction :
- était générale et temporaire ;
- avait pour seul objectif de préserver la santé publique ;
- était sans lien direct avec la destination du local loué telle que prévue par le contrat.
Les commerçants n'étaient donc pas en droit de demander une réduction de leur loyer.
En deuxième lieu, la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public n'est pas constitutive d'une inexécution par le bailleur de son obligation de délivrance. Dès lors, les commerçants ne pouvaient se prévaloir du mécanisme de l'exception d'inexécution pour suspendre le paiement de leurs loyers.
Enfin, il résulte de l' que le créancier qui n'a pu profiter de la contrepartie à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution du contrat ou la suspension de son obligation en invoquant la force majeure. Dès lors, la cour d'appel a exactement retenu que le locataire, créancier de l'obligation de délivrance de la chose louée, n'était pas fondé à invoquer à son profit la force majeure.