Irrecevabilité de l'action ut singuli intentée contre le dirigeant en sa qualité de liquidateur amiable
L'action ut singuli ayant été engagée par l'associé contre le dirigeant en sa qualité de liquidateur de la société et non contre la société elle-même, laquelle n'a pas été mise en cause, elle est irrecevable.
Faits et procédure. – Les associés d'une société décident la liquidation amiable de la société. L'un d'eux assigne en responsabilité la présidente du conseil d’administration en sa qualité de liquidatrice amiable de la société.
Un arrêt mixte a confirmé un premier jugement qui avait désigné un mandataire judiciaire et, avant dire droit, prononcé un sursis à statuer sur l'action ut singuli exercée par l'associé, en invitant les parties à s'expliquer sur l'absence de mise en cause de la société et à régulariser la procédure.
Par un arrêt au fond, la cour d'appel d'Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 9 mars 2023, n° 16/10269) a constaté que l'associé n'avait pas mis en cause la société.
Dès lors, après avoir précisé, d'une part, qu'il résulte de l' que l'action prévue à l'article L. 225-252 du même code n'est recevable que si la société a été régulièrement mise en cause par l'intermédiaire de ses représentants légaux ; d'autre part, que l'action a été engagée contre la présidente du conseil d’administration en sa qualité de liquidateur de la société et non contre la société elle-même, la chambre commerciale juge que la cour d'appel en a exactement déduit que cette action n'est pas recevable.
Portée. – Cette solution ne surprend pas.
La Cour a en effet toujours jugé que la méconnaissance de la règle selon laquelle l'action ut singuli - consistant, pour un ou plusieurs associés, à demander au dirigeant social réparation du préjudice subi par la société () - nécessite que la société ait été régulièrement mise en cause par l'intermédiaire de ses représentants légaux est sanctionnée par l'irrecevabilité de l'action (
Comme le précise un auteur, cette règle se justifie par le fait que « l'action ut singuli étant, peu ou prou (V. J.-C. Pagnucco, L'action sociale ut singuli et ut universi en droit des groupements : LGDJ, Varenne, 2006) une action par représentation, il faut que le représenté soit attrait en la cause » (J.-B. Barbièri :
La chambre criminelle a récemment rappelé la rigueur de cette règle, jugeant que ni la citation à comparaître délivrée au dirigeant en exercice de la société, en qualité de prévenu, ni la seule communication de conclusions pour le compte de la société, ne valent mise en cause de la société par l'intermédiaire d'un de ses représentants légaux (Cass. crim., 12 févr. 2025, n° 23-86.857, F-B :
La chambre criminelle a, par la suite, eu l'occasion de préciser que l'obligation de mettre en cause la société, si elle concerne aussi bien les juridictions civiles que répressives, ne s'applique que devant les juridictions de jugement, et non d'instruction (
Enfin, en présence d'un risque de conflit d'intérêts lorsque l'action ut singuli est formée contre le dirigeant de la société qui est aussi son représentant légal, la Cour décide que « la société ne peut être régulièrement représentée que par un mandataire ad hoc » (Cass. com., 9 nov. 2022, n° 20-19.077, PB :
En l'absence de mise en cause de la société par l'intermédiaire de son représentant légal, l'action ne pouvait donc, ici, qu'être jugée irrecevable.
Cette solution a vocation à concerner toutes les sociétés dans la mesure où cette règle procédurale est rédigée dans les mêmes termes s'agissant des sociétés civiles (