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Délit d'initiés : un journaliste financier peut communiquer des informations privilégiées lorsque c'est nécessaire et proportionné

Jurisprudence

La grande chambre de la CJUE, dans une décision du 15 mars 2022, apporte des précisions sur la notion d' « informations privilégiées » et sur l'interdiction de divulguer ce type d'informations et ses limites. Elle juge que la divulgation par un journaliste d'une information privilégiée qui porte sur la publication prochaine d'un article relayant des rumeurs sur des sociétés cotées en Bourse est licite si elle est nécessaire pour mener à bien une activité de journalisme et respecte le principe de proportionnalité.

Un journaliste publie sur le site du Daily Mail deux articles qui relaient des rumeurs de dépôt d'offres publiques d'achat sur les titres d'Hermès (par LVMH) et de Maurel & Prom. Cette publication a fait augmenter le cours de ces titres. Peu avant la publication des articles, certains résidents britanniques ont passé des ordres d'achat sur les titres en question et les ont vendus une fois la publication intervenue. Le journaliste s'est fait sanctionner par l'Autorité des marchés financiers française parce qu'il aurait fait part de la publication prochaine des articles à ces résidents britanniques (AMF, 24 oct. 2018, déc. n° 11). L'AMF a considéré qu'il leur avait communiqué des « informations privilégiées ».

Le journaliste financier conteste cette sanction et invoque essentiellement une violation de sa liberté de presse.

La cour d'appel de Paris a été saisie d'un recours en annulation de la décision de l'AMF (CA Paris, 9 juill. 2020, n° 18/28497). Elle a posé une question préjudicielle à la CJUE sur l'interprétation des dispositions européennes sur les opérations d'initiés (PE et Cons. UE, règl. (UE) n° 596/2014, sur les abus de marché) :
- une information qui porte sur la publication prochaine d'un article de presse relayant une rumeur de marché peut-elle être considérée comme une information privilégiée ?
- quelles sont les exceptions à l'interdiction de divulguer des informations privilégiées, dans le contexte particulier de la presse ?

  • Sur la notion d'information privilégiée

À quelles conditions une information portant sur la publication prochaine et imminente d'un article de presse sur une rumeur de marché peut être considérée comme précise ?

La CJUE juge qu'une information est réputée avoir un caractère précis :
- s'il ressort d'un examen effectué au cas par cas qu'elle fait notamment mention d'un événement dont on peut raisonnablement penser qu'il se produira ;
- si elle permet de tirer une conclusion quant à l'effet possible de cet événement sur les cours des instruments financiers concernés.

La Cour ajoute que le caractère précis n'est, par principe, pas exclu du seul fait qu'une information relève d'une catégorie d'informations particulières (telles que des informations qui portent sur la publication prochaine d'un article sur une rumeur de marché).

Étant donné qu'une rumeur est caractérisée par un degré d'incertitude, la Cour indique qu'il faut prendre en compte le degré de précision du contenu de la rumeur ainsi que la fiabilité de la source qui la relaie. De même, la notoriété du journaliste qui a signé les articles de presse ainsi que celle de l'organe de presse qui a assuré la publication de ces articles peut être jugée déterminante, dès lors qu'elle permet d'apprécier la crédibilité des rumeurs.

La Cour juge que sont des indications pertinentes pour l'appréciation du caractère précis de l'information, à la condition qu'elles aient été communiquées avant la publication :
- la mention du prix auquel seraient achetés les titres de l'émetteur, dans le cadre d'une éventuelle offre publique d'achat ;
- l'identité du journaliste auteur de l'article ;
- l'identité de l'organe de presse qui en assure la publication.

En revanche, l'influence effective de la publication sur le cours des titres, en l'absence d'autres éléments connus ou divulgués antérieurement à cette publication, ne suffit pas à elle seule à établir le caractère précis. Elle peut seulement constituer une preuve ex post du caractère précis de l'information.

  • Sur l'interprétation des termes « à des fins journalistiques »

La Cour indique que les termes « à des fins journalistiques » visent non seulement les divulgations d'informations par la publication d'informations mais également celles qui s'inscrivent dans le processus aboutissant à une telle publication. Les termes « à des fins journalistiques » doivent être interprétés de manière large, a estimé la CJUE. Et ce, afin de tenir compte de l'importance de la liberté de la presse et de la liberté d'expression dans une société démocratique. Ainsi, estime-t-elle, une divulgation effectuée dans le cadre des travaux d'investigation préparatoires à la publication réalisés par un journaliste peut constituer une divulgation d'informations à des fins journalistiques.

En conclusion, juge la Cour, le fait qu'un journaliste divulgue à l'une de ses sources habituelles une information qui porte sur la publication à venir d'un article de presse qu'il a signé et qui relaie une rumeur de marché, peut constituer une divulgation à des fins journalistiques ; si, précise la Cour, cette divulgation est nécessaire pour permettre de mener à bien une activité journalistique qui inclut les travaux d'investigation préparatoires des publications.

  • Sur la licéité de la divulgation à des fins journalistiques

La Cour a apporté des précisions sur l'articulation et l'interprétation des articles 10 et 21 du règlement MAR. L'article 21 institue un régime spécifique, destiné à concilier la lutte contre les abus de marchés avec les exigences qui découlent de la liberté de la presse. L'article 10 prévoit quant à lui que la divulgation d'une information privilégiée n'est pas illicite lorsqu'elle a lieu « dans le cadre normal de l'exercice [...] d'une profession ». La cour d'appel de Paris estime que la formulation de l'article 10 laisse penser que l'article 21 a pour objet, non pas de déroger à l'article 10, mais de préciser les critères d'appréciation du caractère licite ou illicite de la divulgation d'une information privilégiée à des fins journalistes, dans le cadre du régime général institué par l'article 10 qui s'applique quelle que soit la finalité de la divulgation.

Selon la CJUE, l'article 21 ne constitue pas une base autonome dérogeant à l'article 10. L'exception à l'interdiction de communiquer des informations privilégiées doit être interprétée de manière à sauvegarder l'effet utile de l'article 10 dont la finalité est de sauvegarder la liberté de la presse. Ainsi, juge la CJUE, la divulgation d'une information privilégiée par un journaliste est licite lorsqu'elle est considérée comme nécessaire à l'exercice de sa profession et qu'elle respecte le principe de proportionnalité.

Sur le caractère nécessaire de la divulgation. La Cour précise que la juridiction doit examiner si la divulgation est allée au-delà de ce qui était nécessaire afin de vérifier les informations contenues dans la publication. Dans le cas d'une information relative à une rumeur de marché, il faut examiner s'il était nécessaire pour le journaliste de divulguer à un tiers, outre la teneur de la rumeur, l'information spécifique relative à la publication prochaine d'un article qui relaie cette rumeur.

Sur le caractère proportionné de la divulgation. La Cour indique qu'il faut :
- tenir compte de l'effet potentiellement dissuasif pour l'exercice de l'activité journalistique, y compris des travaux d'investigation préparatoire, d'une interdiction de divulgation ;
- vérifier si, en effectuant cette divulgation, le journaliste a agi dans le respect des règles et des codes qui régissent sa profession ;
- prendre en considération les effets négatifs de la divulgation pour l'intégrité des marchés financiers. En particulier, les opérations d'initiés qui ont été effectuées après cette divulgation sont susceptibles d'engendrer des pertes financières dans le chef d'autres investisseurs et, à moyen terme, la perte de confiance dans les marchés financiers.

Ainsi, conclut la CJUE, la divulgation d'informations privilégiées porte atteinte, non seulement aux intérêts privés de certains investisseurs mais aussi, de manière plus générale, à l'intérêt public qui consiste à assurer une transparence intégrale et adéquate du marché, afin d'en protéger l'intégrité et de garantir la confiance de l'ensemble des investisseurs. La juridiction de renvoi devra donc prendre en compte le fait que l'intérêt public s'oppose non seulement à des intérêts privés, mais également à d'autres intérêts publics.