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Offert

Création d'un recours juridictionnel pour dénoncer des conditions de détention indignes : le Sénat adopte la PPL

Travaux préparatoires

Plusieurs décisions de justice récentes ont constaté que la France n'était pas en mesure de garantir, en toutes circonstances, des conditions de vie en prison suffisamment dignes, ni surtout d'y mettre fin lorsque de telles situations apparaissent, via des voies de recours satisfaisantes. Pour remédier à cette situation, le Sénat a adopté, lundi 8 mars 2021, la proposition de loi « tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention », en première lecture. Il a apporté très peu de modifications au texte initial, adoptant essentiellement des amendements de coordination ou de précision. La proposition de loi prévoit que toute personne détenue se plaignant de conditions indignes de détention pourra saisir soit le juge des référés qui dispose d'un pouvoir d'injonction, soit le juge judiciaire qui n'a pas un tel pouvoir mais qui peut ordonner sa remise en liberté. Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte qui doit désormais être examiné par les députés.

Pour rappel, 3 décisions avaient imposé au législateur d'agir. La France a d'abord été condamnée par la CEDH dans un arrêt de janvier 2020 (CEDH, 30 janv. 2020, n° 9671/15, JMB et a. c / France ; V. Surpopulation carcérale : la CEDH condamne la France à agir). Prenant acte de l'arrêt de la Cour de Strasbourg, la Cour de cassation a créé une voie de recours ouverte aux personnes placées en détention provisoire (Cass. crim., 8 juill. 2020, n° 20-81.739 ; V. Conditions de détention indignes et office du juge : la Cour de cassation fait évoluer sa jurisprudence). Mais la création prétorienne de cette voie de recours n'a pas paru suffisante au Conseil constitutionnel qui a demandé au législateur de modifier le Code de procédure pénale afin de prévoir un recours qui permettrait aux détenus de saisir le juge de conditions de détention indignes (Cons. const., 2 oct. 2020, n° 2020-858/859 QPC ; V. Conditions indignes de détention provisoire : le législateur va devoir prévoir un recours pour faire respecter la dignité humaine en prison). Il lui avait donné jusqu'au 1er mars 2021 pour agir.

Ce texte reprend le dispositif d'un amendement que le Gouvernement avait initialement envisagé de faire adopter, en décembre 2020, par l'Assemblée nationale, dans le cadre de l'examen du projet de loi sur le Parquet européen et la justice pénale spécialisée. Cet amendement avait cependant été jugé irrecevable.

La proposition de loi tend à insérer un nouvel article 803-1 dans le Code de procédure pénale qui prévoit dans quelles conditions et selon quelles modalités un détenu peut saisir le juge judiciaire lorsqu'il estime subir des conditions de détention afin qu'il y soit mis fin.

  • Le juge compétent

La personne détenue qui estime que ses conditions de détention sont contraires à la dignité humaine saisit le JLD si elle est placée en détention provisoire, et le JAP si elle a été condamnée et qu'elle exécute sa peine. Cette nouvelle voie de recours est introduite sans préjudice de la possibilité de saisir le juge administratif en référé. La personne détenue aura donc le choix entre la saisine du juge des référés, qui dispose d'un pouvoir d'injonction, ou celle du juge judiciaire, qui n'a pas ce pouvoir d'injonction mais qui peut ordonner sa remise en liberté.

  • La recevabilité de la demande

La proposition de loi impose que les allégations qui figurent dans la requête déposée par la personne détenue soient circonstanciées, personnelles et actuelles, de sorte qu'elles constituent un commencement de preuve que les conditions de détention ne respectent pas la dignité de la personne. Le juge doit faire procéder aux vérifications dans un délai compris entre 3 et 10 jours ouvrables.

La proposition de loi insiste sur le fait que les allégations doivent présenter un caractère « personnel », sans doute pour tenir compte de l'arrêt de la chambre criminelle de novembre 2020 qui a semblé affaiblir la portée de ce critère (Cass. crim., 25 nov. 2020, n° 20-84.886, FS-P + B + I ; V. Demande de mise en liberté pour conditions de détention indigne : la Cour de cassation allège ses exigences en matière de preuve). Dans cet arrêt, la chambre criminelle estime que le juge du fond ne saurait rejeter une demande au motif qu'elle fait uniquement référence aux conditions générales de détention dans l'établissement pénitentiaire ni exiger du demandeur qu'il démontre le caractère indigne de ses conditions personnelles de détention. Un demandeur ne pourrait donc se contenter d'indiquer que l'établissement où il est détenu est surpeuplé. Il devrait expliquer comment cette surpopulation l'affecte personnellement.

L'appréciation du juge se fera in concreto.

Les sénateurs ont adopté plusieurs amendements qui :
- précisent la voie de recours applicable lorsqu'un juge considère qu'une requête est irrecevable ou quand il indique à l'administration pénitentiaire quelles conditions de détention il estime contraires à la dignité de la personne (amt COM-33) ;
- prévoient une information du juge d'instruction quand le JLD juge une requête recevable et la possibilité de lui demander son avis avant que le JLD prenne une décision (amt COM-32 et COM-31) ;
- consacrent le droit pour le détenu d'être entendu avant que le juge prenne sa décision (amt COM-23).

  • Le délai laissé à l'administration pénitentiaire pour mettre fin aux conditions indignes

Si le juge estime la requête fondée, il revient d'abord à l'administration pénitentiaire de prendre des mesures pour mettre fin aux conditions de détention indignes. Il fixe un délai, compris entre 10 jours et un mois, pour y mettre fin par les moyens que l'AP estime appropriés qui peut notamment décider le transfèrement du détenu, avec l'accord du magistrat chargé du dossier s'il s'agit d'un prévenu.

  • L'office du juge

C'est seulement si le problème n'a pas été résolu par l'administration pénitentiaire dans le délai prescrit que le juge statuera pour mettre fin aux conditions de détention indignes. Il a le choix entre 3 décisions :

- ordonner le transfèrement de la personne détenue ;
- ordonner la mise en liberté de la personne placée en détention provisoire, éventuellement assortie d'un contrôle judiciaire ou d'une assignation à résidence avec surveillance électronique ;
- ordonner un aménagement de peine si la personne est définitivement condamnée, à condition qu'elle y soit éligible.

Le juge peut refuser de prendre l'une de ces 3 décisions si le détenu a, au préalable, refusé le transfèrement proposé par l'AP, sauf s'il s'agit d'un condamné et que ce transfèrement aurait porté une atteinte excessive à sa vie privée et familiale. La décision du juge doit être motivée.

  • Les voies de recours

La décision du juge peut faire l'objet d'un appel, soit devant le président de la chambre de l'instruction, soit devant le président de la chambre de l'application des peines. L'appel du ministère public est suspensif lorsqu'il est formé dans un délai de 24 heures. L'affaire est examinée au plus tard dans un délai de 15 jours.

  • Les modalités d'application précisées par décret

Un décret d'application devra préciser :

- les modalités de saisine du JLD ou du JAP (a priori une saisine auprès du greffe de la juridiction ou de l'établissement pénitentiaire) ;
- la nature des vérifications que le juge peut ordonner (sachant qu'il peut toujours ordonner une expertise ou se transporter sur les lieux de détention) ;
- dans quelle mesure le juge administratif, s'il a été saisi en référé, n'est plus compétent pour ordonner un transfèrement lorsque le juge judiciaire a lui-même estimé la requête fondée et qu'il a demandé à l'AP de remédier aux conditions de détention indignes dans un certain délai.

Le sénateur Jean-Pierre Sueur fait valoir que la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté regrette que la durée de la procédure puisse être si longue (2 à 3 mois ce qui constitue une durée excessive selon elle en cas d'atteinte aux droits fondamentaux). Elle estime également que la saisine du juge obéit à des procédures trop complexes et demande que tout détenu puisse directement saisir le juge, même sans avocat. Surtout, elle souhaiterait que la décision de la chambre criminelle du 25 novembre soit respectée et que toute personne détenue puisse se référer aux conditions générales de détention. Enfin, elle regrette que la procédure soit centrée sur le transfèrement. Elle estime que "si l'on transfère un détenu, il faut prendre en compte sa situation familiale, ses conditions sociales, ses droits à la défense, sa démarche d'insertion professionnelle...". 

Consulter le dossier législatif.