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Covid-19 : la responsabilité pour faute de l'État partiellement retenue

Jurisprudence

La contestation de la gestion de la crise sanitaire par le Gouvernement de l'époque s'est notamment traduite par le dépôt de nombreux recours en responsabilités civile, pénale et administrative. Dans un jugement du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Paris, saisit de 34 requêtes par des requérants ayant contracté la Covid-19 ou des ayants droit de personnes décédées, reconnaît, comme le pressentait la doctrine (A. Jacquemet-Gauché, Pénurie de masques : une responsabilité pour faute de l'État ?, JCP G 2020, act. 370 ; S. du Puy-Montbrun, Responsabilité - Crise sanitaire du Covid-19 et responsabilité administrative, JCP G 2020, étude 2149), l'action fautive de l'État dans la gestion de l'épidémie entre les mois de mars et mai 2020, et ce pour plusieurs motifs.

D'une part, c'est la gestion du stock de masques en amont de la survenance de l'épidémie - et non la gestion de la pénurie de masques - qui est considérée comme fautive. Le juge administratif estime que le nombre de masques disponibles en amont de la crise sanitaire était largement inférieur aux objectifs que s'était fixé l'État dès 2009. D'autre part, le tribunal reconnaît la faute de l'État concernant le contenu de l'information diffusée à l'égard du port du masque, initialement considéré comme « inutile », alors même que les données scientifiques disponibles attestaient du contraire. En revanche, les moyens invoquant une défaillance de l'État dans la gestion de la pénurie de gel hydroalcoolique, le caractère tardif de la décision de confiner la population en mars 2020 ainsi que le dépistage, là encore, tardif des personnes présentant des symptômes de la Covid-19 en mars et avril 2020 n'ont pas été retenus par les juges. En tout état de cause, et alors même que plusieurs fautes sont caractérisées, le juge administratif rejette finalement les demandes indemnitaires des requérants, considérant qu'il « ne résulte pas de l'instruction que l'absence de mise à disposition de masques de protection pour la population générale résultant de la carence fautive de l'État et la communication fautive de l'État quant à l'utilité du port de ces dispositifs présentent un lien de causalité suffisamment direct avec la contamination de l'intéressée par le virus responsable de la Covid-19 ». Le tribunal administratif de Paris s'arrête donc au milieu de gué, la caractérisation de certaines fautes simples de l'État ne suffisant pas à engager sa responsabilité, en l'absence de lien de causalité certain et surtout « suffisamment direct ». Sans doute que pour que la responsabilité de l'État dans la gestion de la pandémie soit engagée à l'avenir, une étude scientifique devrait prouver que le retard ou la mauvaise gestion de la crise est directement à l'origine d'une contamination ou d'un décès.

Quoique pionnier en matière de mise en cause de la responsabilité de l'État dans sa gestion de la crise sanitaire, ce jugement s'inscrit dans la dynamique traditionnelle du droit de la responsabilité administrative. En effet, c'est bien la faute simple de l'État qui a été retenue par le juge, dans la lignée d'un mouvement de réduction du champ de la faute lourde et, surtout, dans la continuité des recours en responsabilité intentés en matière de police administrative sanitaire. Ce, qu'il s'agisse de la mauvaise exécution des pouvoirs de police administrative spéciale de pharmacovigilance de l'État lors du scandale du Médiator (V. CE, 9 nov. 2016, n° 393902, Mme Faure c. ministre Affaires sociales, de la Sante et des droits de la Femme : Lebon p. 938 ; JCP A 2016, act. 894 ; Resp. civ et assur. 2017, étude 1, L. Bloch ; Dr. adm. 2017, comm. 3, note C. Lantero),ou encore concernant la mauvaise exécution par l'État de sa mission de contrôle de police sanitaire en raison de l'abstention fautive de l'Agence française de sécurité sanitaire et des produits de santé (AFSSAPS) (V. TA Montreuil, 29 janv. 2019, n° 1800068AJDA 2019, p. 951, note C. Lantero).

Le jugement présente toutefois une certaine originalité en ce qui concerne le rejet du moyen invoquant une violation par l'État du principe de précaution, inscrit à l'article 5 de la Charte de l'environnement. En effet, le juge administratif estime que l'une des requérantes ne saurait « utilement invoquer l'article 5 de la charte de l'environnement dès lors que les carences qu'elle allègue ne sont pas relatives à des atteintes à l'environnement ». Le juge administratif aurait-il fait fi de l'extension « ratione materiae » du principe de précaution, notamment en matière de sécurité au travail ou en droit médical (V. M. Boutonnet, Le principe de précaution en droit de la responsabilité civile : LGDJ 2005, p. 136) ? Sans doute aurait-il été plus pertinent de rejeter ce moyen en précisant que l'engagement de la responsabilité administrative de l'État doit reposer sur une carence fautive de prévention de la part de l'Administration, et non sur une carence de précaution. Autrement dit, la responsabilité de l'État ne peut être engagée que lorsqu'un risque certain n'a pas été anticipé, et non un risque hypothétique. En la matière, la frontière entre risque certain et hypothétique est particulièrement poreuse tant il est difficile de déterminer la date précise à laquelle l'ampleur du danger qui pouvait résulter de la propagation du virus Covid-19 était connue des pouvoirs publics. Peut-être est-ce la raison pour laquelle, en l'espèce, le juge administratif balaye avec tant de nonchalance l'invocation du principe de précaution. En toutes hypothèses, l'argumentation hasardeuse du juge témoigne surtout d'un certain malaise lié à l'objet du litige sur lequel il doit statuer. L'action - et parfois l'inaction - de l'État ayant été, pour l'essentiel, légitimée par le juge administratif pendant la crise sanitaire, offrant ainsi un blanc-seing au Gouvernement, le juge de la responsabilité administrative devra faire preuve d'audace pour franchir le Rubicon et engager, au-delà de la caractérisation d'une faute, la responsabilité de l'État pour sa gestion de la crise sanitaire.