Contrôle des actes de soft law : le renvoi préjudiciel peut-il être utilisé pour vérifier la validité d'actes non contraignants de l'UE ?
Dans ses conclusions du 15 avril 2021, l'Avocat général Michal Bobek propose à la CJUE de juger qu'une demande de décision préjudicielle en appréciation de validité d'actes de droit souple de l'Union, actes non contraignants, est conforme au droit de l'UE. La Cour devrait, au passage, déclarer invalides les orientations sur les modalités de gouvernance et de surveillance des produits bancaires de détail de l'Autorité bancaire européenne, à l'origine de cette affaire. Ces orientations vont au-delà de ce que permet le règlement instituant l'Autorité.
L'Autorité bancaire européenne (ABE) a émis des orientations sur les modalités de gouvernance et de surveillance des produits bancaires de détail (ABE, orientations EBA/GL/2015/18, 22 mars 2016). Dans la foulée, comme le requiert la procédure, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a annoncé se conformer à ces orientations, les rendant ainsi applicables à toutes les institutions financières soumises à son contrôle (V. L'ACPR publie deux avis de conformité sur la mise en œuvre d'orientations de l'Autorité bancaire européenne).
La Fédération bancaire française (FBF) a formé devant le
- S'agissant du contrôle de la validité des orientations émises par une autorité européenne de surveillance
Dans ses conclusions, l'avocat général propose à la Cour de juger que le droit de l'Union autorise à soumettre une demande de décision préjudicielle en appréciation de validité d'actes de l'Union non contraignants (actes de droit souple). Selon lui, elle devrait juger également qu'une fédération professionnelle peut contester, par le biais d'une exception d'illégalité soulevée devant une juridiction nationale conformément aux règles du droit national en matière de qualité pour agir, des orientations destinées aux membres dont elle protège les intérêts et qui peuvent ne pas la concerner directement et individuellement.
Il considère qu'il est essentiel de faire en sorte que les actes non contraignants adoptés par des agences de l'Union puissent faire l'objet d'un contrôle juridictionnel normal, tout du moins s'agissant de leurs compétences, afin que ces agences n'empiètent pas illégalement sur les compétences d'autres organes et institutions de l'Union. S'agissant du résultat formel du contrôle de mesures de droit souple, l'avocat général expose que, bien que la Cour puisse opter pour une réponse portant sur l'interprétation du droit de l'Union, il lui recommande malgré tout de se prononcer expressément sur la validité des orientations litigieuses, en dépit de leur nature de mesures de droit souple.
Pour fonder son raisonnement, l'avocat général revient sur l'articulation des
En vertu de l'arrêt Foto-Frost de 1987, une juridiction nationale est tenue de saisir la Cour à titre préjudiciel sur la validité des mesures du droit de l'Union à moins qu'elle estime que les moyens invoqués au soutien de l'invalidité ne sont pas fondés (CJCE, 22, oct. 1987, aff. 314/85, Foto-Frost). En vertu de l'arrêt Grimaldi de 1989, une juridiction nationale peut demander à la Cour de statuer, à titre préjudiciel, tant sur la validité que sur l'interprétation de tous les actes des institutions de l'Union, sans exception (
L'avocat général Bobek souligne les incohérences logiques réciproques que génèrent ces trois arrêts de la Cour en ce qui concerne des mesures non contraignantes de l'Union. Au vu de leur nature, il est peu sensé de refuser un contrôle juridictionnel de ces actes au titre de l'
- S'agissant de la validité des orientations émises par l'ABE
L'avocat général considère que les orientations sur les modalités de gouvernance et de surveillance des produits bancaires de détail devraient être déclarées invalides par la CJUE dans la mesure où leur objet et leur contenu ne relèvent pas des actes législatifs prévus par le règlement instituant l'ABE.
Après avoir examiné la nature des orientations en tant que mesures de l'Union de droit souple et les conséquences en découlant quant au contrôle juridictionnel par la Cour de telles mesures, l'avocat général Bobek observe que, en comparant le champ d'application avec le réel contenu des orientations, il apparaît que, au vu de leur base légale, les orientations litigieuses vont plus loin que ce qu'autorise le