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Condamnation d'avocats pour atteinte à l'autorité de la justice : procédure disciplinaire non soumise aux exigences du droit à un procès équitable

Jurisprudence

La CEDH, dans un arrêt de grande chambre rendu ce jour, confirme que la condamnation d'avocats de la défense pour atteinte à l'autorité de la justice (démission de leurs fonctions d'avocats de la défense dans un procès pénal) n'entre pas dans le champ d'application de l'article 6 de la Convention qui garantit le droit à un procès équitable.

Deux avocats islandais ont été désignés pour assurer la défense de deux accusés dans un procès pénal. Par la suite, ils demandèrent la révocation de leur désignation. Comme le tribunal refusa de relever leur mandat, ils ne se présentèrent pas au procès. Le jour de l'audience, les accusés se présentèrent avec de nouveaux avocats et le procès fut reporté à une date indéterminée. Selon le parquet, les requérants s'étaient retirés de l'affaire dans le but de retarder la procédure. Ils furent condamnés à une amende de 6 200 € pour atteinte à l'autorité de la justice et pour avoir retardé la procédure. Ils ne furent ni convoqués à l'audience ni informés de l'intention du tribunal de leur infliger une amende. La Cour suprême valida le jugement estimant que les requérants avaient commis une violation grave des obligations que la loi sur la procédure pénale faisait peser sur eux.

Les requérants se sont plaints d'un jugement et d'une condamnation par défaut. Ils ont introduit une requête devant la CEDH.

Dans son arrêt de chambre, la CEDH a jugé que leur condamnation pour atteinte à l'autorité de la justice n'était pas contraire à la Convention EDH (CEDH, 30 oct. 2018, n° 68273/14, Gestur Jónsson et Ragnar Halldór Hall c. Islande ; V. Atteinte à l'autorité de la justice : la condamnation d'avocats de la défense n'est pas contraire à la Convention EDH). Elle a retenu la non-violation des articles 6 §§ 1, 2 et 3 (droit à un procès équitable/présomption d'innocence) de la Convention EDH et 7 § 1 (pas de peine sans loi). Le grief de violation de l'article 2 du Protocole n° 7 est rejeté pour défaut d'épuisement des voies de recours internes.

Le collège de cinq juges de la Grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) avait accepté le renvoi devant la grande chambre de cette affaire (V. Condamnation d'avocats de la défense ayant démissionné : renvoi de l'affaire devant la grande chambre de la CEDH).

  • Sur la violation du droit à un procès équitable (art. 6)

La grande chambre de la CEDH estime qu'elle doit déterminer si la procédure concerne une « accusation en matière pénale » dirigée contre les requérants, au sens de l'article 6. Elle rappelle que l'applicabilité du volet pénal de l'article 6 repose sur 3 critères (critères Engel) :

⇒ la qualification juridique de l'infraction en droit interne (1er critère) : l'infraction était prévue au chapitre « amendes procédurales » d'une loi sur la procédure pénale. L'examen d'un comportement décrit par ce chapitre se faisait sans que le parquet ne doive intervenir : il appartenait au tribunal siégeant dans l'affaire d'infliger l'amende d'office. La Cour estime donc qu'il n'a pas été démontré que l'infraction en question était qualifiée de « pénale » en droit interne ;

⇒ la nature de l'infraction (2e critère) : la Cour rappelle que le statut spécifique des avocats, intermédiaires entre les justiciables et les tribunaux, leur fait occuper une position centrale dans l'administration de la justice. Elle ajoute que pour croire en l'administration de la justice, le public doit également avoir confiance en la capacité des avocats à représenter effectivement les justiciables. Elle rappelle aussi que les règles juridiques qui habilitent un tribunal à sanctionner les comportements déplacés qui peuvent survenir au cours des procédures menées devant lui sont monnaie courante dans les systèmes juridiques des États contractants. Pareilles normes et sanctions dérivent du pouvoir indispensable à toute juridiction, d'assurer le déroulement correct et discipliné des procédures dont elle a la charge. Les mesures ordonnées de la sorte par les tribunaux se rapprochent plus de l'exercice des prérogatives disciplinaires que de l'imposition d'une peine réprimant la commission d'une infraction pénale.
En l'espèce, la CEDH estime que malgré la gravité du manquement aux obligations professionnelles reproché aux requérants, la nature, pénale ou disciplinaire, des infractions dont ils ont été reconnus coupables n'est pas claire ;

⇒ la nature et le degré de gravité de la peine (3e critère) : la Cour précise qu'elle procède à son propre examen lorsqu'il s'agit d'interpréter la notion de « matière pénale » au sens autonome de l'article 6. En l'espèce, elle observe que :
- le type de comportement pour lequel les requérants ont été condamnés ne pouvait pas être sanctionné par une peine d'emprisonnement ;
- les amendes en cause ne pouvaient pas être converties en privation de liberté en cas de non-paiement ;
- elles n'ont pas été inscrites au casier judiciaire des requérants ;
- le montant – certes élevé – des amendes infligées et l'absence de plafond légal ne permettent pas à eux seuls de considérer que la nature et la gravité de la sanction la font relever de la sphère « pénale ».
Elle estime donc que la nature et le degré de gravité de la sanction ne sauraient faire tomber l'infraction en cause dans le domaine pénal.

La Cour estime donc que la procédure en cause ne concernait pas le bien-fondé d'une « accusation en matière pénale » au sens de l'article 6 de la Convention et que le volet pénal de cette disposition n'est pas applicable. Cette partie de la requête est donc incompatible rationae materiae avec les dispositions de la Convention. Elle est irrecevable.

Sur ce point, deux juges ont exprimé une opinion dissidente estiment que « Dans la présente affaire, où il n'y a pas de vérité absolue, une histoire totalement différente aurait toutefois également pu être racontée de manière convaincante. L'application des critères Engel n'est pas une science exacte, tout dépend de l'endroit où l'on place l'accent ». Ils insistent sur les conséquences de l'inapplicabilité de l'article 6 estimant qu' « il ne faut jamais oublier ce que signifie ne pas être placé sous la protection de l'article 6 : être tout simplement privé des garanties du procès équitable ». « Des intérêts considérables peuvent être en jeu et de telles procédures peuvent aboutir à des sanctions extrêmement lourdes. On peut perdre son emploi, subir une baisse de salaire ou une interdiction de promotion, voire un placement aux arrêts ». Surtout, selon eux, « en jugeant l'article 6 inapplicable, la Grande chambre s'est abstenue d'examiner la question réellement intéressante dans cette affaire, celle du respect des exigences de l'article 7 de la Convention, et plus précisément de la légalité de la peine infligée aux requérants en l'absence de tout montant maximum expressément fixé par la loi ».

  • Sur le principe de « pas de peine sans loi » (art. 7)

La Cour juge que les amendes contestées sur le terrain de l'article 7 ne peuvent être qualifiées de « peine » au sens de cette disposition. Cette partie de la requête est donc incompatible rationae materiae avec les dispositions de la Convention. Elle est irrecevable.