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Arbitrage des investissements intra-UE en vertu du traité sur la Charte de l'énergie : la CJUE donne le clap de fin

Jurisprudence

Dans un arrêt du 2 septembre rendu en grande chambre, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) continue de remodeler le paysage intra-UE du règlement des différends en matière d'investissements. Venant préciser les rapports qu'entretiennent le droit de l'UE et le Traité sur la Charte de l'Énergie (TCE), elle juge que l'application « intra-européenne » de la clause d'arbitrage investisseur-État du TCE n'est pas conforme au droit de l'Union en pointant son incompatibilité avec l'autonomie de l'ordre juridique de l'UE. Dans la même décision, la Cour décide également que l'acquisition d'une créance issue d'un contrat de fourniture d'électricité ne constitue pas un « investissement » au sens des articles 1er, § 6 et 26, § 1 du TCE.

Dans un communiqué du 3 septembre, la Direction générale du Trésor attire l'attention des investisseurs français opérant au sein du marché intérieur et des investisseurs européens présents en France sur les conséquences de cette décision : aucune nouvelle procédure de règlement des différends investisseur-État ne devrait être engagée contre un État membre de l'UE en application de la clause d'arbitrage du TCE.

À l'origine de l'affaire, plusieurs questions déférées à la CJUE par la cour d'appel de Paris concernant la notion d'« investissement » au sens du TCE, questions qui ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant la République de Moldavie à Komstroy LLC au sujet de la compétence d'un tribunal arbitral (CNUDCI Paris) ayant rendu une sentence le 25 octobre 2013.

En exécution d'une série de contrats, un producteur d'énergie ukrainien a vendu de l'électricité à un distributeur ukrainien, lequel a revendu cette électricité à une société immatriculée aux Îles Vierges britanniques, qui a revendu à son tour l'électricité à une entreprise publique moldave, en vue de son exportation vers la Moldavie. Les volumes d'électricité à fournir étaient définis chaque mois directement entre le producteur et l'exportateur.
L'entreprise moldave n'a réglé les montants dus pour cette électricité que partiellement à la société des Îles Vierges. Cette dernière a ensuite cédé au distributeur ukrainien la créance qu'elle détenait à l'égard de l'entreprise moldave, laquelle ne s'est pas acquittée de la totalité de sa dette auprès du distributeur ukrainien. Celui-ci a essayé, en vain, d'obtenir le paiement du solde en saisissant les juridictions moldaves, puis les juridictions ukrainiennes.
Estimant que certains comportements de la Moldavie constituaient des violations caractérisées des obligations découlant du TCE, le distributeur ukrainien, dont les droits ont ultérieurement été repris par Komstroy LLC, a engagé la procédure d'arbitrage ad hoc prévue par ce traité.
Par une sentence rendue à Paris le 25 octobre 2013, le tribunal arbitral ad hoc constitué en vue de régler ce différend s'est reconnu compétent et a donné gain de cause au distributeur ukrainien sur le fondement du TCE. La Moldavie a formé un recours en annulation devant la cour d'appel de Paris contre cette sentence arbitrale. Au centre des débats, se trouvait la question de savoir si le tribunal avait compétence ratione materiae sur les droits contractuels du demandeur, et plus précisément si l'acquisition d'une créance découlant d'un contrat de fourniture d'électricité constitue un « investissement » au sens du TCE. La discussion s'est poursuivie tout au long de la procédure devant les juridictions françaises. En dernière instance, la cour d'appel de Paris (à laquelle l'affaire avait été renvoyée après que la Cour de cassation a infirmé sa première décision) a transmis à la CJUE la question de l'interprétation du terme « investissement » au sens du TCE.

  • Compétence de la CJUE pour statuer à titre préjudiciel sur l'interprétation du TCE

Le Conseil de l'UE, les gouvernements hongrois, finlandais et suédois ainsi que Komstroy estimaient que la Cour n'est pas compétente pour répondre aux questions posées dès lors que le droit de l'Union n'est pas applicable au différend en cause au principal, les parties à ce différend étant étrangères à l'UE.

La Cour ne l'a pas vu ainsi, se déclarant compétente :
- sur le fondement de l'article 267 TFUE : « la Cour est compétente pour interpréter les actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union. Or, il ressort d'une jurisprudence constante qu'un accord conclu par le Conseil, conformément aux articles 217 et 218 TFUE, constitue, en ce qui concerne l'Union, un acte pris par l'une de ses institutions, que les dispositions d'un tel accord forment partie intégrante, à partir de l'entrée en vigueur de celui-ci, de l'ordre juridique de l'Union et que, dans le cadre de cet ordre juridique, la Cour est compétente pour statuer à titre préjudiciel sur l'interprétation de cet accord » (§§ 22 et 23). Elle ajoute que la circonstance que l'accord concerné soit un accord mixte ne saurait, en tant que tel, exclure sa compétence pour statuer dans la présente affaire (§24) ;
- du fait que les questions qui lui étaient posées concernaient la notion d'investissement (§25), les investissements relevant de la compétence de l'UE (§26).

À celà s'ajoute que si, en principe, elle n'est pas compétente pour interpréter un accord international concernant son application aux litiges non couverts par le droit de l'UE (tel est le cas quand, comme en l'espèce, le différend oppose un investisseur d'un État tiers à un autre État tiers), elle le devient :
- en raison de l'intérêt de l'UE à une interprétation uniforme des dispositions litigieuses du TCE,
- et du fait que le siège du tribunal arbitral était en France : « la fixation du siège de l'arbitrage sur le territoire d'un État membre, en l'occurrence la France, entraîne l'application, pour les besoins de la procédure ouverte sur le territoire de cet État membre, du droit de l'Union, dont la juridiction saisie a l'obligation d'assurer le respect, conformément à l'article 19 TUE » (§34).

  • Sur le fond du litige

Sur la question de la validité de la clause compromissoire du TCE dans les litiges intra-UE

Afin de répondre à la question de la juridiction de renvoi relative à la notion d'« investissement » au sens du TCE, cette interprétation étant nécessaire pour vérifier la compétence du tribunal arbitral ad hoc, la Cour examine les différends susceptibles d'être portés devant un tribunal arbitral en application de l'article 26 TCE.

Dans le sillage de l'arrêt Achmea (CJUE, 6 mars 2018, aff. C-284/16 :V. Incompatibilité avec le droit de l'UE d'une clause d'arbitrage issue d'un TBI conclu entre États membres), la Cour rappelle l'autonomie du système juridique de l'UE et la nécessité de la préserver, notamment en mettant en place un système judiciaire pour assurer la cohérence et l'uniformité dans l'interprétation du droit de l'UE.
Pour le cas de l'article 26 TCE, la CJUE relève que :
- le tribunal arbitral statue conformément au TCE, qui est un acte du droit de l'Union, ainsi qu'au droit international, si bien que ce tribunal peut être amené à interpréter et à appliquer le droit de l'Union ;
- ce tribunal arbitral ne constitue pas un élément du système juridictionnel d'un État membre, en l'occurrence la France. Il ne peut donc être considéré comme une juridiction d'un État membre au sens de l'article 267 du TFUE et n'est dès lors pas habilité à saisir la Cour à titre préjudiciel ;
- les sentences rendues en vertu de l'article 26 TCE ne sont pas soumises au contrôle d'une juridiction d'un État membre capable d'assurer le plein respect du droit de l'Union et de garantir que des questions de droit de l'Union peuvent, le cas échéant, être soumises à la CJUE à titre préjudiciel.

En l'espèce, les parties au différend ont choisi un tribunal d'arbitrage sur la base du règlement de la CNUDCI et ont accepté que le siège de l'arbitrage soit établi à Paris, si bien que cela rend le droit français applicable à la procédure ayant pour objet le contrôle juridictionnel de la sentence arbitrale. Cependant, un tel contrôle juridictionnel ne peut être exercé par la juridiction nationale concernée que dans la mesure où le droit national le lui permet. Or, le droit français ne prévoit qu'un contrôle limité portant, notamment, sur la compétence du tribunal arbitral. De plus, la procédure d'arbitrage en cause se distingue d'une procédure d'arbitrage commercial, trouvant son origine dans l'autonomie de la volonté des parties concernées.

Il résulte de l'ensemble de ces caractéristiques du tribunal arbitral que, si le différend opposait des États membres, un mécanisme de résolution de ce différend ne serait pas apte à assurer que les litiges soient tranchés par une juridiction relevant du système juridictionnel de l'Union. Par conséquent, la clause compromissoire du TCE n'est pas applicable aux différends opposant un État membre à un investisseur d'un autre État membre au sujet d'un investissement réalisé par ce dernier dans le premier État membre.

Sur la notion « d'investissement » au sens du TCE

La CJUE juge que l'acquisition, par une entreprise d'une partie contractante de ce traité, d'une créance issue d'un contrat de fourniture d'électricité, non associé à un investissement, détenue par une entreprise d'un État tiers audit traité envers une entreprise publique d'une autre partie contractante du même traité, ne constitue pas un « investissement ».

Si une créance issue d'un contrat de fourniture d'électricité constitue bien un avoir détenu directement par un investisseur, elle ne peut être considérée comme étant conférée pour l'exercice d'une activité économique dans le secteur de l'énergie. Il s'ensuit qu'un simple contrat de fourniture d'électricité, en l'espèce produite par d'autres opérateurs, est une opération commerciale qui ne saurait, en tant que telle, constituer un investissement. La Cour souligne que cette interprétation correspond à la distinction claire opérée par le TCE entre le commerce et les investissements.