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Apologie publique d'actes de terrorisme : la France condamnée pour avoir infligé une peine de prison trop lourde

Jurisprudence

La CEDH, dans un arrêt du 23 juin 2022, condamne la France pour violation du droit à la liberté d'expression d'un ancien membre du groupe « Action directe » pour ses propos tenus à la radio sur le « courage » des auteurs des attentats terroristes de 2015.

Elle ne remet pas en cause le principe de la sanction prononcée pour complicité d'apologie publique d'actes de terrorisme, validant ainsi les raisonnements de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel. En revanche, elle juge que la lourdeur de la sanction infligée (une peine d'emprisonnement) viole l'article 10 de la Convention EDH.

Les faits : un ancien membre du groupe terroriste « Action directe » a été condamné pénalement en raison de propos tenus lors d'une émission de radio. Précisément, au cours d'un interview diffusé dans une émission politique et mise en ligne sur Internet, le requérant a déclaré, en évoquant les responsables des attentats terroristes commis en 2015 à Paris : « Moi je les ai trouvés très courageux, ils se sont battus courageusement… ». Pour avoir tenu ces propos, il a été condamné à 18 mois d'emprisonnement, dont 10 avec sursis probatoire, pour complicité d'apologie publique d'un acte de terrorisme sur le fondement de l'article 421-2-5 du Code pénal.

Le Conseil constitutionnel, saisi d'une QPC (Cass. crim., 27 févr. 2018, n° 17-83.602 : V.  Les peines encourues pour apologie d'actes de terrorisme sont-elles contraires à la Constitution ?), avait écarté les critiques formulées contre cet article du Code pénal (Cons. const., 18 mai 2018, n° 2018-706 QPC ; V. QPC : conformité des dispositions réprimant l'apologie d'actes de terrorisme). Il avait notamment considéré que l'atteinte portée à la liberté d'expression et de communication était nécessaire, adaptée et proportionnée à l'objectif poursuivi par le législateur (en l'occurrence, la prévention des atteintes à l'ordre public et des infractions, dont participe l'objectif de lutte contre le terrorisme).

La Cour de cassation avait ensuite rejeté le pourvoi, en se référant notamment à l'article 10, § 2 de la Convention EDH (Cass. crim., 27 nov. 2018, n° 17-83.602).

Le requérant a donc saisi la Cour européenne des droits de l’homme, en invoquant la violation de son droit à la liberté d'expression (Conv. EDH, art. 10) en raison de la lourdeur de la sanction pénale infligée.

  • Existence de l'ingérence

La CEDH reconnaît que la condamnation pénale du requérant pour complicité d'apologie d'actes de terrorisme, a constitué une ingérence dans son droit à la liberté d'expression. Une ingérence prévue par la loi. Son objectif : la défense de l'ordre et la prévention des infractions pénales.

  • Nécessité de l'ingérence

Sur la commission de l'infraction. - La Cour relève que les questions posées au requérant par les journalistes portaient sur l'état d'urgence instauré en France après les attentats terroristes, les libertés publiques et la sécurité. Dans le contexte de l'époque, ces questions étaient donc susceptibles d'intéresser le public, d'éveiller son attention ou de le préoccuper sensiblement. Ces propos, conclut la Cour, ont été tenus dans le cadre d'un débat d'intérêt général, ce qu'avait d'ailleurs relevé la Cour de cassation.

La CEDH note également que par des décisions concordantes, les juridictions judiciaires françaises ont estimé que le fait de qualifier les auteurs des attentats de « courageux » et d'affirmer qu'ils « se sont battus courageusement » constituait une incitation à porter un jugement favorable sur les auteurs d'infractions terroristes. La Cour reconnaît que ces propos véhiculaient une image positive des auteurs d'attentats terroristes et ont été prononcés alors que l'émoi provoqué par les attentats de 2015 était encore présent dans la société française, et que le niveau de la menace terroriste demeurait élevé. Elle ajoute que la diffusion de tels propos par le biais d'une radio et d'Internet était susceptible de toucher un large public.

La Cour en conclut que ces propos doivent être regardés comme une incitation directe à l'usage de la violence terroriste.

Sur la sanction. - La Cour rappelle que le requérant a été condamné à 18 mois de prison, dont 10 mois de sursis avec mise à l'épreuve.

Elle ne conteste pas le principe même de la sanction. En effet, elle estime que les motifs retenus pour justifier la sanction (lutte contre l'apologie du terrorisme et prise en considération de la personnalité de l'intéressé) sont pertinents et suffisants pour fonder l'ingérence.

Mais, ajoute-t-elle, la nature et la lourdeur des peines infligées doivent être prises en compte lorsqu'il s'agit de mesurer la proportionnalité de l'ingérence. Elle rappelle, à cet égard, que les instances nationales doivent faire preuve de retenue dans l'usage de la voie pénale, tout spécialement s'agissant du prononcé d'une peine d'emprisonnement, qui revêt un effet particulièrement dissuasif quant à l'exercice de la liberté d'expression.

Elle affirme avoir conscience du contexte, marqué par des attentats terroristes récemment commis et particulièrement meurtriers. Ce qui justifie, selon elle, une réponse à la hauteur des menaces que les propos du requérant étaient susceptibles de faire peser, tant sur la cohésion nationale que sur la sécurité publique du pays. Toutefois, la sanction infligée au requérant est une peine privative de liberté. Alors même qu'il a été sursis à l'exécution de la peine de 18 mois de prison, pour une durée de 10 mois, le requérant a été placé sous surveillance électronique pendant 6 mois et 3 jours. La Cour considère que les motifs retenus par les juridictions françaises lorsqu'elles ont effectué la mise en balance des droits et libertés, ne suffisent pas à la CEDH pour lui permettre de considérer qu'une telle peine était proportionnée au but légitime poursuivi.

Elle juge donc que la peine de prison qui a été infligée au requérant n'était pas nécessaire dans une société démocratique. Elle conclut à la violation de l'article 10 de la Convention EDH en ce qui concerne la lourdeur de la sanction infligée. Elle estime que le constat de violation de la Convention constitue une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral subi par le requérant.