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Le Conseil constitutionnel valide l’essentiel de la loi « anti-squat »

Saisi par plus de 60 députés de la loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite, le Conseil constitutionnel a censuré son article réformant le régime de responsabilité applicable en cas de dommage résultant du défaut d’entretien d’un bâtiment en ruine, qui portait une atteinte disproportionnée aux droits des victimes, et assortit d’une réserve d’interprétation l’article précisant à quelle condition constitue un domicile un local d’habitation contenant des biens meubles.

Le 26 juillet, les Sages de la rue de Montpensier ont validé l'essentiel de la loi « anti-squat ».

Était notamment contesté par les députés à l'origine de la saisine du Conseil constitutionnel sur le texte son article 2 visant à exclure la possibilité pour les occupants de certains locaux dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement de bénéficier de délais renouvelables, lorsqu’ils y sont entrés à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte.

Selon eux, en privant la personne expulsée de toute possibilité de se voir octroyer de tels délais renouvelables par le juge, ces dispositions méconnaitraient le droit à un recours juridictionnel effectif et les droits de la défense. Ils leur reprochaient également de méconnaître l’objectif à valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent, dès lors qu’elles précipiteraient l’expulsion de personnes défavorisées sans que soit prise en compte leur situation personnelle ou familiale.

Au regard du droit à un recours juridictionnel effectif et du respect des droits de la défense que protège l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le Conseil constitutionnel relève dans sa décision que, excluant l’octroi de délais à l’occupant entré dans les locaux à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, les dispositions contestées, qui s’appliquent à un occupant dont l’expulsion a été judiciairement ordonnée, n’ont ni pour objet ni pour effet de limiter la possibilité pour ce dernier de se défendre devant le juge statuant sur la demande d’expulsion ou le juge de l’exécution. Dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif et du respect des droits de la défense ne peuvent qu’être écartés.

Au regard du droit au respect de la vie privée et, en particulier, de l’inviolabilité du domicile que protège l’article 2 de la Déclaration de 1789 et au regard du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation résultant du Préambule de la Constitution de 1946, le Conseil constitutionnel a jugé que, d’une part, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu assurer l’exécution à bref délai de la décision ordonnant l’expulsion afin de renforcer l’efficacité des procédures judiciaires d’expulsion. Ainsi, ces dispositions mettent en œuvre le droit de propriété ainsi que le droit d’obtenir l’exécution des décisions de justice, qui découle du droit à un recours juridictionnel effectif protégé par l’article 16 de la Déclaration de 1789. D’autre part, l’exclusion du bénéfice des délais renouvelables ne s’applique, sous le contrôle du juge qui ordonne l’expulsion, que dans le cas où l’occupant est entré dans des lieux habités ou à usage professionnel à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte.

Par ces motifs, le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur a assuré une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées. Il en a déduit que les dispositions issues de l’article 2 de la loi déférée sont conformes à la Constitution.

Les députés requérants contestaient également l’article 4 de la loi punissant d’une amende de 3 750 € la propagande ou la publicité en faveur de méthodes visant à faciliter ou inciter à la commission des délits de violation de domicile et d’occupation frauduleuse de certains locaux.

Ils critiquaient en particulier l’imprécision des termes « propagande » et « publicité » employés pour définir l’infraction nouvellement instituée, qui permettrait, selon eux, de réprimer les messages diffusés par des associations à des fins humanitaires. Faute de prévoir une exception pour les associations qui agissent de bonne foi en faveur des personnes en état de nécessité, ces dispositions porteraient, selon eux, une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté d’expression.

Examinant en premier lieu ces dispositions au regard du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l’article 8 de la Déclaration de 1789, le Conseil constitutionnel a jugé que les termes « propagande » et « publicité », qui désignent tout procédé visant à promouvoir auprès du public les méthodes visées par cette nouvelle infraction, ne sont ni ambigus ni équivoques. Les dispositions contestées n’ont ainsi ni pour objet ni pour effet, en particulier lorsque cette diffusion est effectuée par une association apportant, conformément à son objet, aide et assistance aux personnes en situation de précarité, d’incriminer la diffusion d’un message ou d’une information qui ne ferait pas directement ou indirectement la promotion de telles méthodes.

En second lieu, au regard de la liberté d’expression et de communication protégée par l’article 11 de la Déclaration de 1789, le Conseil constitutionnel a jugé que, d’une part, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu prévenir la commission des délits de violation de domicile et d’occupation frauduleuse de certains locaux et éviter la promotion de méthodes visant à faciliter ou inciter à leur commission. Ce faisant, il a cherché à protéger le principe de l’inviolabilité du domicile, le droit au respect de la vie privée et le droit de propriété. D’autre part, ces dispositions se limitent à réprimer certains comportements précisément définis. Dès lors, les dispositions contestées ne portent pas à la liberté d’expression et de communication une atteinte disproportionnée à l’objectif poursuivi.

Le recours contestait en outre l’article 6 de la loi déférée.

Le Conseil a tout d’abord examiné les dispositions du paragraphe I de cet article.

L’article 226-4 du Code pénal réprime l’introduction dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, ainsi que le fait de s’y maintenir après s’y être introduit dans de telles circonstances. Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que constitue un domicile, au sens de cet article, le lieu où une personne, qu’elle y habite ou non, a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux. Les dispositions contestées prévoient que constitue notamment le domicile d’une personne tout local d’habitation contenant des biens meubles lui appartenant, que cette personne y habite ou non et qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non.

Selon les députés requérants, en étendant l’infraction prévue à l’article 226-4 du Code pénal à des locaux à usage d’habitation qui seraient insusceptibles d’être qualifiés de domicile, ces dispositions seraient contraires au principe de nécessité des délits et des peines. L’aggravation des peines prévues par ce même article méconnaitrait le principe de proportionnalité des peines.

Statuant au regard du principe de nécessité des délits et des peines qui résulte de l’article 8 de la Déclaration de 1789, le Conseil constitutionnel a jugé notamment que, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu apporter des précisions sur certains locaux à usage d’habitation susceptibles d’être qualifiés de domicile afin d’assurer la répression du délit de violation du domicile.

Toutefois, par une réserve d’interprétation, il juge que, s’il est loisible au législateur de prévoir, à cet effet, que constitue notamment le domicile d’une personne un local d’habitation dans lequel se trouvent des biens meubles lui appartenant, la présence de tels meubles ne saurait, sans méconnaître le principe de nécessité des délits et des peines, permettre, à elle seule, de caractériser le délit de violation de domicile. Il appartiendra dès lors au juge d’apprécier si la présence de ces meubles permet de considérer que cette personne a le droit de s’y dire chez elle.

Jugeant en outre que, en qualifiant certains locaux à usage d’habitation de domicile, le législateur n’a pas adopté des dispositions imprécises, le Conseil constitutionnel a écarté, par l’ensemble de ces motifs, le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines, et sous la réserve précédemment mentionnée, et jugé conformes à la Constitution les dispositions contestées.

Le Conseil constitutionnel a ensuite examiné les dispositions du paragraphe II de l’article 6.

L’article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 prévoit que la personne dont le domicile est occupé de manière illicite peut, sous certaines conditions, demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux. En cas de refus de ce dernier, le préfet doit procéder sans délai à l’évacuation forcée du logement. Les dispositions contestées étendent, sous certaines conditions, cette procédure à tous les locaux à usage d’habitation.

Les députés requérants critiquaient l’extension de cette procédure à des locaux qui ne constituent pas des domiciles alors que, selon eux, elle aurait permis au préfet d’ordonner l’expulsion sans délai de l’occupant et sans prendre en compte sa situation personnelle ou familiale. Il en résulterait une méconnaissance du droit au respect de la vie privée et du principe d’inviolabilité du domicile. Ils critiquaient également la différence de traitement injustifiée pouvant en résulter selon que l’occupant fait l’objet de la procédure d’expulsion prévue par ces dispositions ou de la procédure d’expulsion juridictionnelle de droit commun.

Statuant au regard du droit au respect de la vie privée et du principe de l’inviolabilité du domicile, le Conseil a considéré que, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu assurer l’évacuation à bref délai de tous les locaux à usage d’habitation illicitement occupés, qu’ils constituent ou non des domiciles et que, ce faisant, il a cherché à protéger le droit de propriété.

Le Conseil a alors examiné les conditions et les garanties dans lesquelles cette procédure peut être mise en œuvre. Il a relevé notamment que le préfet ne peut prendre la décision de mise en demeure de quitter les lieux occupés qu’après considération de la situation personnelle et familiale de l’occupant. À cet égard, il rappelle que, conformément à la réserve qu’il avait énoncée au paragraphe 12 de sa décision n° 2023-1038 QPC du 24 mars 2023, le préfet peut alors ne pas engager la mise en demeure au regard de cette situation. Il a constaté également que le délai laissé à l’occupant pour déférer à la mise en demeure de quitter les lieux ne peut être inférieur à 7 jours lorsque le local occupé ne constitue pas le domicile du demandeur et que l’introduction d’une requête en référé sur le fondement des articles L. 521-1 à L. 521-3 du Code de justice administrative suspend l’exécution de la décision du préfet.

Dès lors, le Conseil a jugé que, compte tenu des garanties présentées par ces dispositions, elles ne peuvent être regardées comme méconnaissant le droit au respect de la vie privée ou le principe de l’inviolabilité du domicile, et les a déclaré conformes à la Constitution.

Était également contesté l’article 7 modifiant l’article 1244 du Code civil afin de libérer le propriétaire d’un bien immobilier occupé illicitement de son obligation d’entretien et de l’exonérer de sa responsabilité en cas de dommage résultant d’un défaut d’entretien de ce bien.

En application de l’article 1244 du Code civil, le propriétaire d’un bâtiment est responsable de plein droit du dommage causé par sa ruine, lorsqu’elle résulte d’un défaut d’entretien ou d’un vice de construction, et il ne peut s’exonérer de sa responsabilité qu’en rapportant la preuve que le dommage est dû à une cause étrangère. Les dispositions contestées prévoient que, lorsque le bien immobilier est occupé illicitement, le propriétaire ne peut pas être tenu pour responsable du dommage résultant d’un défaut d’entretien pendant cette période d’occupation et que, en cas de dommage causé à un tiers, la responsabilité en incombe à l’occupant sans droit ni titre.

Les députés requérants faisaient notamment valoir que, en libérant le propriétaire de l’obligation d’entretenir son bien, ces dispositions auraient pour effet de faire peser cette charge sur les occupants illicites, alors que la plupart d’entre eux se trouvent dans une situation matérielle précaire. Ces dispositions méconnaitraient ainsi selon eux l’objectif de valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent, le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine et le droit de mener une vie familiale normale.

Le Conseil constitutionnel rappelle dans sa décision que, aux termes de l’article 4 de la Déclaration de 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Il résulte de ces dispositions qu’en principe, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. La faculté d’agir en responsabilité met en œuvre cette exigence constitutionnelle. Toutefois, cette dernière ne fait pas obstacle à ce que le législateur aménage, pour un motif d’intérêt général, les conditions dans lesquelles la responsabilité peut être engagée. Il peut ainsi, pour un tel motif, apporter à ce principe des exclusions ou des limitations à condition qu’il n’en résulte pas une atteinte disproportionnée aux droits des victimes d’actes fautifs ainsi qu’au droit à un recours juridictionnel effectif qui découle de l’article 16 de la Déclaration de 1789.

En des termes inédits, le Conseil constitutionnel a jugé en outre que cette exigence constitutionnelle ne fait pas non plus obstacle à ce que le législateur institue, pour un même motif d’intérêt général, un régime de responsabilité de plein droit. S’il peut prévoir des causes d’exonération, il ne peut en résulter une atteinte disproportionnée aux droits des victimes d’obtenir l’indemnisation de leur préjudice.

À cette aune, les Sages ont jugé que, en instituant un régime de responsabilité de plein droit en cas de dommage causé par la ruine d’un bâtiment, lorsqu’elle résulte d’un défaut d’entretien ou d’un vice de construction, le législateur a entendu faciliter l’indemnisation des victimes. Il a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général.

Toutefois, en premier lieu, d’une part, le bénéfice de l’exonération de responsabilité est accordé au propriétaire du bien pour tout dommage survenu au cours de la période d’occupation illicite, sans qu’il soit exigé que la cause du dommage trouve son origine dans un défaut d’entretien imputable à l’occupant sans droit ni titre. D’autre part, le propriétaire bénéficie de cette exonération sans avoir à démontrer que le comportement de cet occupant a fait obstacle à la réalisation des travaux de réparation nécessaires.

En second lieu, les dispositions contestées prévoient que le propriétaire est exonéré de sa responsabilité non seulement à l’égard de l’occupant sans droit ni titre, mais également à l’égard des tiers. Ainsi, alors que ce régime de responsabilité de plein droit a pour objet de faciliter l’indemnisation des victimes, les tiers ne peuvent, dans ce cas, exercer une action aux fins d’obtenir réparation de leur préjudice qu’à l’encontre du seul occupant sans droit ni titre, dont l’identité n’est pas nécessairement établie et qui ne présente pas les mêmes garanties que le propriétaire, notamment en matière d’assurance.

De l’ensemble de ces motifs, le Conseil constitutionnel déduit que les dispositions contestées portent une atteinte disproportionnée au droit des victimes d’obtenir réparation du préjudice résultant du défaut d’entretien d’un bâtiment en ruine. Il les a déclaré donc contraires à la Constitution.