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Face à la crainte du Gouvernement des juges, le Sénat invite à favoriser le dialogue

Faut-il craindre le Gouvernement de juge ? Telle est la question à laquelle a souhaité répondre le Sénat, qui a constitué une mission d'information afin de poser un diagnostic sur le phénomène de judiciarisation de la vie publique. Le rapport qui en est issu (intitulé :La judiciarisation de la vie publique : une chance pour l'État de droit ? Une mise en question de la démocratie représentative ? Quelles conséquences sur la manière de produire des normes et leur hiérarchie ?) tend à évaluer l'influence des juridictions dans l'élaboration de la norme ainsi que dans la prise de décision politique, avant d'en mesurer les effets sur le fonctionnement de la démocratie.

Dans la première partie du rapport, plusieurs constats attestent du renforcement du pouvoir juridictionnel.

Le rapport insiste d'abord sur l'évolution des prérogatives laissées à la disposition du juge, lui octroyant une prise directe sur la direction de l'action publique. Tel est précisément le cas de l'introduction du référé suspension et du référé-liberté par la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000, permettant ainsi au juge de « coller aux temps de l'action publique » et, partant, d'orienter son action à court terme. Toutefois, eu égard aux larges pouvoirs dont est notamment doté le juge du référé-liberté, le rapport préconise le recours à une formation de jugement collégiale devant la juridiction administrative pour le jugement en référé des affaires aux enjeux les plus importants.

Ensuite, de longs développements sont consacrés à ce que certains politiques identifient comme un risque de paralysie de l'action publique : la pénalisation de la vie publique. Il s'agit en effet d'un autre facteur qui témoigne de la judiciarisation de la vie publique. Le « rebond » d'un tel mouvement semble avoir été provoqué, entre autres, par la crise sanitaire. En attestent, par exemple, les 19 685 plaintes reçues par la Cour de justice de la République entre le 28 juillet et le 31 décembre 2021. Le rapport alerte toutefois sur les effets provoqués par cette tendance à la pénalisation, qui peut freiner la prise d'initiatives par les décideurs publics.

La légitimité de l'autorité juridictionnelle constitue encore une thématique largement abordée par la mission d'information, certains auteurs considérant que le « caprice du juge » se serait substitué au « caprice du prince » (J.-É. Schoettl, Du caprice du prince au caprice du juge : lefigaro.fr, 22 mars 2022).

L'un des apports majeurs du rapport tient précisément dans la relativisation de la crainte du Gouvernement des juges. Les universitaires et membres actuels ou honoraires du Conseil d'État ont, pour la plupart, souligné que le juge est davantage un guide pour les pouvoirs publics qu'un censeur. Autrement dit, le juge « est donc capable de procéder à une interprétation constructive des textes non pas pour empêcher mais au contraire pour faciliter l'action des pouvoirs publics au regard des circonstances ». Quant au phénomène de pénalisation de la vie publique, est souligné le caractère « spectaculaire » de certaines condamnations, qui demeurent cependant relativement rares.

À propos des effets du mouvement de judiciarisation sur la démocratie, le rapport s'emploie à apaiser les craintes suscitées par le Gouvernement des juges. À cet égard, il est en effet rappelé que les prérogatives octroyées aux juges l'ont été par la voie démocratique, puisqu'elles résultent de plusieurs lois adoptées par la représentation nationale. En outre, certains universitaires auditionnés par la mission d'information expliquent que le caractère démocratique d'une société ne résulte pas uniquement de la légitimité électorale du pouvoir politique, mais également du respect des valeurs fondamentales, cet objectif étant celui recherché par l'autorité judiciaire.

Toutefois, la volonté de protéger les droits et libertés fondamentaux peut conduire les juges à sacrifier l'impératif de sécurité du citoyen sur l'autel des droits et libertés fondamentaux. Plus concrètement, la Cour de justice de l'Union européenne a par exemple limité, dans un arrêt du 6 octobre 2020 la possibilité de conserver les données de connexion au nom du droit à la protection des données personnelles (CJUE, 6 oct. 2020, aff. C-511/18 : V. Conservation et transmission des données de connexion par les fournisseurs de services de communication : pas d'obligation généralisée selon la CJUE ; Europe 2020, comm. 374, obs. D. Simon). Quoiqu'une exception demeure en cas de menace grave pour la sécurité nationale, les critères établis, particulièrement restrictifs, ont suscité des inquiétudes concernant la conduite des enquêtes pénales et la lutte contre la prévention du terrorisme.

Afin de tempérer le risque de Gouvernement des juges, la seconde partie du rapport propose de favoriser le dialogue entre les juges et le monde politique. Est d'abord préconisé un meilleur contrôle de la production normative, en limitant l'inflation normative par l'autodiscipline des acteurs et notamment du Gouvernement, à l'origine de 90 % des textes de loi. L'accent est également porté sur l'usage parcimonieux des lois de programmation, dont la portée est contraignante. Dans la mesure où ces dernières fixent des objectifs chiffrés, dont la méconnaissance peut être sanctionnée par le juge, il est recommandé de faire figurer ces objectifs non pas dans le texte de loi mais plutôt dans l'exposé des motifs du texte ou dans l'étude d'impact. Plus largement, devrait être distinguées les dispositions qui revêtent un caractère normatif de celles qui n'en possèdent pas. Afin d'améliorer la qualité de la loi, la mission suggère également que le Conseil constitutionnel exerce un contrôle de la qualité des études d'impact annexées aux projets de loi, afin que le Gouvernement consacre plus de temps à leur élaboration.

Concernant plus spécifiquement la pénalisation de la vie publique, le rapport souhaite mettre en débat la question de la responsabilité pénale de l'État. Il propose ainsi d'instaurer un groupe de travail pour étudier le bien-fondé et les éventuelles modalités d'une extension de la responsabilité pénale des collectivités territoriales et de l'État. Au-delà, la création de nouveaux espaces de dialogue entre l'autorité judiciaire, entendue lato sensu, et le pouvoir législatif est suggérée. Par exemple, un dialogue entre parlementaires et magistrats pourrait être noué en instaurant, la faculté pour les présidents des assemblées d'adresser des observations au Conseil constitutionnel dans le cadre d'une procédure QPC. En outre, lorsque la France présente des observations devant la Cour européenne des droits de l’homme, le Sénat pourrait se coordonner avec le Gouvernement afin que son point de vue soit pris en considération dans le cadre d'une tierce intervention. Dans la même dynamique, le rapport invite à ce que soit généralisée la procédure d'amicus curiae, laquelle constituerait une « bonne voie d'expression pour les parlementaires au cours d'une procédure contentieuse ». Enfin, la mission est favorable à la mise en œuvre de la proposition contenue dans le rapport « Cour de cassation 2030 », qui propose de créer une procédure interactive ouverte sur les affaires à fort enjeu (V. La Commission de réflexion sur la « Cour de cassation 2030 » a remis son rapport ; J. Théron, La Cour de cassation, garante de l'État de droit : JCP G, act. 794).

L'audience se décomposerait en une séance préparatoire publique, qui ferait intervenir, outre les parties et leurs conseils, le point de vue d'amicus curiae ou d'autres tiers, puis en une audience de plaidoirie plus classique, permettant de débattre des conséquences juridiques des éléments apportés par la séance préparatoire. Le dialogue entre autorité judiciaire et pouvoir législatif serait encore fluidifié si le rapport annuel du Conseil d'État et celui de la Cour de cassation étaient respectivement présentés directement devant le Parlement. Le président du Conseil constitutionnel pourrait se livrer à une pratique similaire. Enfin, et dans l'optique d'assurer un véritable contrôle de l'autorité judiciaire par le Parlement, le rapport suggère d'entamer une réforme d'envergure sur la responsabilité pénale des ministres. Ce contentieux serait confié au tribunal de Paris, avec un filtre assuré par une commission paritaire associant magistrats et parlementaires. En complément, l'intensité de la mission de contrôle du Parlement, et notamment du Sénat, devrait s'intensifier, afin de répondre à la montée en puissance de la responsabilité pénale des ministres. Pour ce faire, certains faits reprochés aux ministres qui ne sont pas constitutifs d'une infraction mais qui relèvent simplement d'une faute de gestion ou d'une erreur d'appréciation pourraient faire l'objet d'une commission d'enquête.